ID – 2011/2016
EN/
In the media, we are bombarded by images of others. It is an otherness that is inaccessible, an image imposed on us, from which we feel powerless to escape.
To reflect on the notion of identity, we are inviting each of our models to play a part in a simple experiement: to cut out of a magazine the face of this other and to appropriate it in part.
These paper cut outs of people are then applied by us to our models.
These faces, transformed in this way, become a photographic work of art that takes a hard look at our identity.
Each model de-faces the other and then, in turn, defaces herself/himself (each person becoming the other by destroying her/ his model and own image). The fragility of their identity becomes visible, almost tangible. She/he has become a blend. “Because I is an other“.
The laws of appearance drive us, in fact, to shape our own image to the point of transformation. Beauty is no longer natural, but rather socially conditioned. The act of representation seems to have taken over what is real. The edit is what counts most. And so models erase themselves in order to gain another self.
The figure of the other is no longer that of otherness… it no longer references our real image nor our humanity.
We are portraying identities weakened by the diktat of appearance. Intervention is deliberately rendered apparent.
The rough cuttings as well as the tape symbolise both the violence and the fragility at play. The nude individual makes the artifice seem even more brutal.
FR/
Visages, voyages, paysages, trois mots qui viennent tout de suite sous mes doigts tapeurs.
Voyage dans les temps de nos âges différents. Même et autre. Paysage. On peut lire un paysage, on peut lire un visage.
De ces visages, je n’avais encore jamais vu un tel paysage.
D’un seul visage que je connais, je passe du connu à l’inconnu. Méconnaissable, muni de tout ce qu’il faut pour figurer un visage : deux yeux, un nez, une bouche. Ce qui pourrait ressembler à un dessin d’enfant.
Des bouts de visage en papier découpés dans des magazines, scotchés sur un visage de chair et d’os. Comme du sparadrap sur une blessure. Ou un baîllon. Un visage colonisé, faussé, pas vrai ? Métamorphose qui alerte sur l’identité, zappée par la quête d’images, de rêves presque à portée de mains.
Visages de personne. Ni message, ni tweet. Je sens à la fois l’ironie, palpable, un rire qui s’arrête sur une interrogation.
En fait, un visage c’est quoi ?
L’image ne parle pas, pourtant ce visage, celui-là, étrange étranger me dit quelque chose, mais quoi ? Et celui-là, sûr qu’il nous a à l’œil, il me fixe.
Les traits se superposent. On ne peut pas dire qu’ils s’accordent. C‘est tout le contraire. Il y a le nombre d’yeux et bouche, œil en double, bouche unique. Le tout fait un total qui ne tombe pas juste. Ensemble mais pas d’ensemble. Tout à coup, c’est monstrueux, un mélange qui se trompe d’affectation. Du faux pour voir, s’arrêter, regarder, prendre le temps, le sien. Songer au temps de l’autre. D’ailleurs, quand je te regarde, je regarde un visage ou je te regarde ?
Figure ou visage, défait, muet, beau, hurlant, moqueur. On ne sait plus. Tu me regardes et tu ne me vois pas. Je suis le même et je suis un autre. Donne-moi ta bouche, prête-moi ton œil.
Un masque ? Non. Faire du vrai avec du faux. Ou bien faire du faux, mais avec du vrai. Du dessus et du dessous. Insistant. Mort et vif.
Ruse, stratégie de l’art pour voir entrevoir l’invisible. Envisager qu’il y en ait. L’œil, « fenêtre ouverte sur l’infini », dit Baudelaire. Même cet œil en papier ? Contrefaçon du visage, totalement avouée, revendiquée.
Visages tendus vers ces deux divinités, jeunesse et beauté. À partir de combien de collages, coupes ou ajouts un visage n’est-il plus reconnaissable ? Je pense à cette femme accidentée, sans visage à voir parce qu’il a brûlé. A-t-elle un visage, bien sûr que oui, invisible mais bien réel.
On sait ce que signifie l’anonymat. Parfois on le désire, parfois non. Mais peut-on envisager une bouche, un œil, anonymes ? Le visage, l’humain de nous autres, dernier à renoncer, peut-être.
(Béatrice de Jurquet)